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17 mars 2007 6 17 /03 /mars /2007 10:46
     
    Miossec, Katel, les slammeurs de Reims
    Cartonnerie, Reims 12 mars 2007      Réagir à cette critique

    Un jour une amie m’a cité une chanson de Miossec. Dans une lettre. Cette lettre, pour résumer, officialisait une rupture. Je ne me souviens pas de ces paroles, ni du titre de la chanson. Je ne me souviens que de ce que ça m’avait fait mal. Les mots étaient justes. Ils racontaient tout ce que je ne lui avais pas donné. Ils disaient tout ce que j’avais pu la faire souffrir.
    Or Miossec, c’est tout que je déteste, tout ce que je ne suis pas. Un mâle avec une voix grave. Et un univers à des lieues du mien.
    Mon idéal amoureux c’est Esteban et Zia dans les Merveilleuses Cités d’Or.
    Pas de poil, pas de sexe.
    Prendre une leçon de vie par ce débauché, ça m’a fait tout drôle.

    Alors quand j’ai vu qu’il passait près de chez moi. Je me suis rappelé de la lettre. Je me suis rappelé de ce choc. Oh, je ne voulais surtout pas réentendre ce texte et ces mots. Je ne veux surtout pas ressentir à nouveau ce goût amer. Mais je ne sais pas… J’avais envie de le voir ce gaillard capable de rater aussi bien sa vie que moi.

    J’ai été étonné par la composition du public. C’était assez familial. Des couples. Quelques enfants. Un brassage de génération. Un public de chanteur populaire. Des fans au premier rang m’interpellent. Elles me proposent un biscuit, en échange de photos de Miossec. Elles sont fans depuis dix ans, disent-elles. Ce sont deux dames d’une quarantaine d’années (vous m’excuserez si je me trompe, moi j’ai douze ans, alors tout ce qui est au-dessus de moi…). L’une d’elle est ingénieur clientèle. Elle m’a donné sa carte. Plus loin, il y a un père et son fils. Il a entendu que j’ai dit oui aux dames, que je leur enverrai des photos. Il en voudrait bien aussi. Pas pour lui, pour le petit. Là, je suis estomaqué. Il doit être au collège. Ecouter Miossec au collège. Pffuit. Ca me dépasse un peu.



    La chanson française, en général, ça me passe très haut au-dessus de ma tête. Je suis vraiment là par erreur. Une erreur. Alors, bon, la première partie. C’est très gentiment que je l’ai écoutée. Mais j’étais à deux doigts de regarder ma montre.
    Elle se fait appeler Katel. Une jeune femme très courageuse. Car il en faut du courage pour affronter seule avec une guitare une salle qui ne vous connaît pas.
    Elle ne manquait pas d’humour non plus. « Vous avez remarqué que j’aime bien chanter des choses énervées en criant très fort ? », glisse-t-elle entre deux morceaux. En effet, elle chante fort, des textes pleins de mots comme religiosité, cuistre, mollusque, figure de proue… Elle est aussi capable de hurler « Mon amouur ! ». Voyez le genre.
    Enfin, ce n’est pas aussi barbant que mes sarcasmes pourraient le laisser croire. Elle a la voix claire et le public l’a applaudi.

    Le temps de régler les instruments du groupe de Miossec et le public est fin prêt à recevoir sa dose de chansons crues. On entend alors une voix de femme. Il est question de « corps à corps ». Je pense à une bande son en guise de prélude à l’arrivée sur scène du chanteur breton. Mais à côté de moi, j’entends un agent de sécurité dire à son talkie qu’ « elle est là-haut dans les balcons ». Je me retourne. Je lève ma tête. En effet, là-haut il y a de la lumière et une fille assise sur les marches du balcon de la salle.




    Visiblement, c’est prévu. Aucun cerbère ne vient déloger la lectrice. Car oui, je n’en distingue pas les yeux, mais à travers mon zoom, je peux voir qu’elle lit un texte. Une poésie.
    Sa lecture terminée, les projecteurs éclaire l’autre extrémité du balcon. Et là, je reconnais la silhouette. C’est Jam, un personnage que l’on peut voir et entendre lors des soirées slam en centre-ville. Lui aussi récite un texte.
    C’est la surprise de la soirée. Les slammeurs de Reims sont dans la place ! Le slam est une forme de poésie qui ressemble à du rap a capella, sans les boîtes à rythme. Récemment on en a entendu beaucoup parlé avec le succès de Grand Corps Malade, mais cela fait des années que cela existe. C’est né aux Etats-Unis et maintenant cela fait la joie de légions d’éducateurs de quartier de notre bon pays, qui par ce canal, essaient de redonner confiance aux jeunes en les encourageant à prendre la parole en public.

    Pourquoi cette intervention surprise avant le concert de Miossec ? Ils n’ont rien dit que leurs textes. Ils ne se sont pas présentés. C’est resté beau comme un mystère.
    Je crois que c’était lié au Printemps des poètes. Les slammeurs se sont associés à cette opération nationale qui revient chaque année. Ici, ils ont prévu toute une série d’animations dans les communes du département. L’attaque de la Cartonnerie devait figurer au programme.

    J’ai réussi à noter quelques vers du dernier intervenant. Seb. Il était un peu laborieux. Il n’avait pas son texte bien en tête. Il se laissait emporter par le rythme de ses mots, mais il allait trop vite pour sa mémoire et devait s’aider d’un bout de papier. C’était touchant. Surtout au regard du contenu, grave, de ses paroles :

    Comment font-ils pour dormir sur leurs deux oreilles ?
    Comment font-ils pour s’endormir sans remord ?
    Ce soir, je regarde les étoiles, je pense au Rwanda
    Ce soir, je regarde les étoiles, je pense aux Masaï du Darfour
    .

    Comme il dégageait passion et détermination, la salle fut conquise et il recueillit une belle salve d’applaudissements.



    Après ça, il n’y eut pas d’autres surprises. Miossec arriva et commença d’entrée par la chanson que les fans du premier rang commençaient déjà à entonner, La facture, celle qui passe à la radio.

    J’ai pris peur de tes baisers
    Comme on prend peur des araignées
    Je ne savais plus où me planquer
    Le fond du trou l’envie de gerber
    Je n’ai toujours pas payé la facture d’électricité
    .

    Puis après ça part en pam pam la la, pam pam la la. Très entraînant ce morceau. Ca me fait penser aux chansons que Jean-Louis Murat a enregistré pour l’album A bird on a poire. La mélodie est guillerette, avec des chœurs. Pourtant cette chanson pourrait très bien annoncer un suicide. Le suicide d’un futur papa qui vient de se faire licencier.
    On connaît ça, ici, en Champagne-Ardenne, les licenciements massifs et les suicides discrets.



    Discret, sur scène, Miossec ne l’est pas. Il est indéniablement présent. Et inquiétant aussi. Il bouge comme un fou. On dirait qu’il n’arrive jamais à trouver la position qui lui convient. Il se lance, s’accroupit, se relève, recule, repart au devant. Il vit aussi une relation mouvementée avec son pied de micro. Qu’il prend, qu’il tord et qu’il jette. Comme une illustration des relations tourmentées qui parcourent l’ensemble de son oeuvre.
    Pendant toute la durée du concert, j’ai eu peur que tous ces drames viennent m’éclabousser et que je me retrouve avec un pied de micro en travers de la figure.




    Miossec semblait content de chanter entourés de ses musiciens. Il a parlé aussi au public en plusieurs occasions, notamment pour ironiser sur sa défaite aux Victoires de la musique (il était sélectionné dans la catégorie meilleur album pop-rock remporté par Superbus). Et en même temps, à scruter son visage, on aurait dit qu’il n’était pas là. Comme s’il se remémorait les épisodes des vies qui ont inspiré ses chansons ou comme, plus prosaïquement, ou comme s’il était saoul. On aurait dit un homme en perdition.

    C’est dur à assumer en tant que spectateur. Je voyais cet homme imposant comme une masse d’inquiétudes. Je rêve probablement.
    Cela n’enlève rien à la qualité générale du spectacle. A part une réserve sur sa voix, inaudible sur les premières chansons, l’ensemble est bien emmené. Les musiciens sont impeccables. On a eu droit à un solo de violon ébouriffant. On voyait le crin de l’archet s’effilocher au fil des notes fiévreuses.
    L’ambiance générale était à la fête. De bonnes chansons, de bonnes musiques, il n’en manque pas dans le répertoire passé et actuel de Christophe Miossec. Et nous avons tous passé un bon moment.



    J’ai redécouvert avec émotion une de ses premières chansons Non, non, non. Je me rappelle. A l’époque, toutes mes copines étudiantes écoutaient ça. Avec Jeff Buckley. Je me défie des phénomènes de mode. Alors, je l’ai snobé cette chanson (et d’autres) autrefois.

    Je vous téléphone encore, ivre mort au matin
    Car aujourd'hui c'est la Saint-Valentin
    Et je me remémore notre nuit très bien
    Comme un crabe déjà mort
    Tu t'ouvrais entre mes mains
    Ceci est mon voeu, ceci est ma prière
    Je te la fais les deux genoux à terre
    Non non non non non
    Non non non non non
    Je ne suis plus saoul
    Un peu à bout, c'est rien


    Là, c’est bizarre, ça m’a fait du bien. Je n’ai même pas pensé à cette fille perdue.


     


    le 14/03/2007
    Signature : Bertrand Lasseguette
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